Les études

Les études d’accidentologie

Les études d’accidentologie dans le domaine de l’aviation conduisent de nos jours à la conclusion que la technique est rarement l’élément qui conduit à l’accident. Certes une défaillance matérielle est souvent à l’origine d’un enchainement fatal. Mais c’est le plus souvent l’être humain, et ses réactions face à une situation non prévue et une perception erronée de la situation, qui décide d’actions inappropriées. C’est la raison pour laquelle les pilotes sont entrainés à appliquer strictement des do lists et de vérifier leurs actions par des check lists. Le facteur humain (FH) est également l’une des matières au sein des unités de valeurs nécessaires pour devenir pilote de ligne.

L’étude des facteurs humains

L’étude des FH dans le domaine de l’aviation est un sujet vaste et passionnant, qui regroupe des pans de la psychologie, de l’ergonomie, de l’anatomie et du fonctionnement de nos organes perceptifs. Parce que ce sujet touche à l’humain, il nous touche tous, que l’on soit pilote ou non. Ce qui rend le domaine passionnant, c’est également de comprendre à quel point ses conclusions s’appliquent à notre vie de tous les jours. Certes, nous ne faisons pas face à des dangers mortels à chaque instant. Mais l’entreprise qui lance un projet majeur prend elle un risque qui peut lui être fatal en cas d’échec. Lancer un projet d’envergure au regard de la taille de la société est bien souvent risqué. L’échec ne peut pas être une option. Un produit qui connaît un accueil commercial manqué, un retard de livraison d’un chantier, une défaillance technique qui conduit à des fonctionnalités réduites peuvent être un véritable crash pour une entreprise. Et là, nous voyons que l’étude des facteurs humains appliquée à un équipage d’un aéronef est parfaitement transposable au cockpit de l’entreprise : son équipe de projet, ses comités de pilotage ou son comité de direction.

 

Le cockpit transposé dans l’entreprise

Dans cette première partie, il me semble pertinent d’étudier ce en quoi les comportements dans un cockpit sont transposables à l’entreprise. Dans le langage FH, il existe 4 types de cockpits : autocratique, laisser faire, égocentré et enfin le cockpit synergique.

Les cockpits dans une perspective de projet industriel management entreprise IV Consulting

Bien évidemment, aucune compagnie aérienne ne choisit le type de cockpit. Il est le résultat de la composition des équipages, des caractères individuels, d’une ambiance d’entreprise et de comportements culturels régionaux. Dans les grandes compagnies, il n’est pas rare que les deux pilotes se rencontrent un matin, font leur mission, et ne revoleront plus jamais ensemble. Ce qui importe, c’est d’identifier en quoi l’alchimie de cette journée conduira ou non à des conflits d’autorité qui peuvent avoir des conséquences pour la sécurité. Dans une entreprise, les personnels se connaissent. Les équipes qui conduisent, coordonnent et orientent un projet se côtoient pendant des années parfois. Cela conduit à des relations de confiance, mais aussi parfois à un certain désamour. Dans tous les cas, l’autorité naturelle de chacun, indépendamment de ses fonctions, peut jouer sur la façon dont les décisions seront prises.

Détaillons les 4 cockpits dans une perspective d’un projet industriel :

1. Le cockpit autocratique

C’est peut être le plus facile à identifier, c’est aussi l’un des plus difficile à endiguer et il est particulièrement nocif quand les choses se corsent. Dans le cockpit autocratique, le chef (le commandant de bord) présente une autorité démesurée dans son comportement face à son équipe. S’il a une très forte personnalité ou si ses adjoints sont effacés il se sent sûr de lui, personne n’ose le contredire. « Tu as raison chef »… ou mentalement, « on va se planter, mais c’est toi qui décide, je te laisse faire, tu assumeras… ». Evidemment, nous voyons le travers d’un tel mode de pilotage. Exagéré ? Qui peut dire qu’il n’a jamais connu ce genre de situation ? 

2. Le cockpit laisser faire

C’est une ambiance de travail plutôt cool. Le chef ne met pas forcément la pression sur ses troupes, il prend du recul et laisse faire ses équipes. Tous savent ce qu’ils ont à faire, inutile d’être sur leur dos. Si le chef de projet est nouveau dans l’entreprise, ou s’il se sait secondé par un adjoint de valeur, il y a même un risque d’inversion d’autorité. Dans le cas où le chef et son adjoint sont l’un et l’autre très expérimentés, il se peut qu’une confiance trop importante s’installe « ça ne l’inquiète pas, je ne vais donc pas m’inquiéter ». On ne réagit pas lorsqu’il le faudrait. On laisse faire… jusqu’à ce qu’il soit parfois trop tard.

3. Le cockpit égocentré

Le cockpit égocentré se retrouve en cas de crise, lorsque le chef et ses adjoints sont en conflit sur la conduite à tenir en cas de difficultés. Chacun se recentre sur ce qu’il pense, pousse ses propres idées et reste focus sur sa perception. Il n’y a plus de dialogue. La situation est alors critique et il faut souvent une tierce personne pour sortir de ce mode de fonctionnement autodestructif. Difficile de mettre la tierce personne en arbitre alors qu’aucun signal ne retentit. Et quand il retentit, il est parfois trop tard.

4. Le cockpit synergique

Bien évidemment, le cockpit synergique est le mode de fonctionnement recherché. Chacun des membres construit intelligemment, 1 et 1 font plus que 2, la communication est parfaite etc. C’est le monde rêvé qui nous est enseigné dans les livres de management. Mais nous ne sommes que des êtres humains, tout ne se passe pas toujours comme dans les livres…

Cockpit et management

Les cockpits dans une perspective de projet industriel management entreprise IV Consulting

Ce qui fait l’intérêt de l’étude des cockpits, c’est pour le management d’anticiper ces comportements à risque lors de la composition des équipes. Dans le domaine de l’aviation c’est même un critère de sélection pour les pilotes. Un spécialiste peut être excellent, et ne pas être adapté au travail en équipe. Lapalissade bien évidemment. Mais parfois, c’est la personne clé qu’il fallait embaucher pour son savoir particulier. Et puis elle grimpe en responsabilité avec l’expérience et atteint des postes où son attitude, au regard des trois premiers cockpits la rend néfaste au bon déroulement d’un projet.

En synthèse, et sans vouloir révolutionner les modes de sélection (qui avouerait lors qu’un entretien ne pas être fait pour le travail en équipe ?), il est important pour toute équipe dirigeante de garder un œil particulièrement attentif sur la synergie des cockpits clés de l’entreprise, et ce pour faire que les projets se déroulent sans turbulences…